La perche
Toute ma vie, j’ai semé des petits cailloux blancs.
Maintes perches m’a tendu la société conformiste. A l’école, j’étais cet intellectuel un peu chiant. Je prenais toutes les infos sans vraiment les questionner. Mon défaut était le bavagardage, vouloir tout comprendre impliquait qu’on me donne le statut de moulin à paroles.
A cet âge déjà, je créais des journaux sur des copies doubles à carreaux, des policiers inspirés de Cyrano de Bergerac, et mon âme créative dessinait des BD de super-héros pendant les classes. Le plus stylé, c’était super-sandwich, parce qu’il balançait des petits traits qui s’apparentaient à des lasers. Puis sont venus les journaux du collège, et du lycée, le projet de devenir journaliste. Mme Cureau, qui était ma professeure de français, crut en moi lorsque je fus nominé à mon premier concours d’écriture Des mots pour voir. Il faut dire que c’était culotté, d’écrire un texte sur l’Alzheimer à partir d’un tableau noir. J’étais prêt à bondir sur la perche, mais en continuant de laisser une trainée de galets.

Eau troublée
Il y avait en moi une soif d’indépendance que je n’avais pas encore cerné. Déjà, à l’année du BAC, ma prof de SVT disait à ma mère qu’il vaudrait mieux m’envoyer en prépa. Bien sûr, j’ai choisi la fac. Lors de ce même entretien, j’avais déclaré « ne pas aimer recevoir d’ordre ». Devant le visage décomposé de ma mère, j’ai un peu rougi. Sans le savoir, je venais d’énoncer à haute voix pour la première fois que plus tard, je serai mon propre patron. Pour reprendre les mots de Fabrice Midal, « Personne ne peut dire, en vérité, à quelqu’un ce qu’il doit faire ». Et clairement, j’avais pas envie qu’on me dise ce que je doive faire.
Arrivé à la fac, j’ai suivi un cursus en droit faute de moyens jusqu’à l’obtention de ma licence. Alors évidemment, à chaque fois que l’on me demandait ce que je voulais faire de ma vie, c’était toujours
« Il faut faire du droit pour devenir journaliste ?? »
Nom d’une pissaladière. Une des anecdotes les plus marquantes me revient d’un stage en Cour d’appel. Lorsque le procureur général découvrait mon projet pro lors d’un tour de table, ses yeux devinrent plus ronds qu’un petit pois dans un ascenseur.
Aie.
Mon projet pro était difforme, jusqu’à ce que le journalisme laisse place à d’autres idées plus incongrues les unes que les autres. Chaque semaine, je présentais ma nouvelle-future vie à mes parents. S’ils étaient inquiets, ils étaient toujours partants pour me suivre dans mes délires. C’est ainsi que j’ai failli – enfin, on en était loin – devenir dresseur de faucon et ambulancier.
Outch.
Je ne suis pas devenu ambulancier, mais je me suis quand même lancé dans le secourisme bénévole.
Pour autant, l’écriture ne m’a jamais quitté. Au-delà des dissertations impersonnelles exigées par mes professeurs, je dévorais les livres pour me former, j’étais secrètement Community Manager et Rédacteur de communautés virtuelles. Me faisant la main, j’ai entendu parler de freelancing dans mon entourage pour la première fois par un ami semi-alcoolisé en pleine soirée. Je n’ai repensé à cette conservation que bien des mois plus tard. J’avais déjà lancé mon blog, sur lequel j’affinais ma plume, j’avais déjà pas mal de monde sur ma liste d’emails, et je décidais de creuser la piste.
Plonger dans l'océan
Oui maman, je reviendrai te voir.
J’ai mis fin à mes études, rendu les clés de mon appart, et abandonné 22 ans de vie aussi morne qu’un écran de téléphone pour déménager à Nice. Les galets devinrent réalité. L’adolescent noyé s’était battu comme un diable pour trouver sa voie, après deux années de mue bancales. Quelques rencontres, un job d’appoint et un nouveau logement plus tard c’est ainsi que je me suis retrouvé sur la Côte à galérer pour ouvrir une boîte qui marcherait à coup certain.
Qui s'essouffle reprend son souffle
Parole d’asthmatique. Du sport, de la musique, de la photo et une bonne plume : je savourais ce délicieux cocktail plus optimiste que jamais. J’ai mis entre parenthèse les voyages autour du globe, et me suis posé pour me concentrer pleinement à la naissance de mon activité.
Tel l’enfant que j’étais, je n’ai pas arrêté d’inventer des histoires et des personnages hauts en couleurs, ni de bavarder avec mes voisins de café. Sauf qu’aujourd’hui, j’écris pour mon blog ce qui me passe par la tête, des emails remplis de conseils et de présentations d’oeuvres. J’écris aussi pour des gens et des entreprises qui souhaitent booster leur clientèle, et ça c’est quand même badasse. Le fantôme du reporter qui bouillonne en moi me convainc toujours d’emmener mon carnet et mon téléobjectif pendant mes sorties.
Pour avoir tous les détails de ce long périple qui m’a amené à écrire cette page de blog, il faudra lire mon autobiographie qui sortira un jour (et franchement, je réfléchis à la manière dont je pourrai m’excuser dans l’intro pour 2 000 pages de calvaire). Je souhaitais que mon site fasse visuellement penser à une page Word 2007, car c’est là que tout a commencé. Aujourd’hui, comme le Petit Poucet avant moi, j’ai remonté la ligne de pierres pour réaliser mon rêve, et ne plus rêver. Sauf que je ne rentre pas chez moi, je pars pour l’aventure. Celle de la vie, parsemée de gens, de goélands et de larmes, les plus authentiques ; ceux qui m’inspirent les plus beaux papiers.